Défis environnementaux : faut-il tout miser sur la technologie ou repenser notre modèle ?
- Bertrand Jean-Mairet
- 13 févr.
- 7 min de lecture
Notre mode de vie actuel est-il réellement soutenable ? La technologie peut-elle nous assurer un avenir serein ? Devrions-nous repenser en profondeur notre relation avec la nature ? Face aux défis environnementaux, économiques et sociaux qui s’accumulent, il est légitime de s’interroger. Devons-nous simplement continuer à avancer en espérant que des solutions émergeront d’elles-mêmes, ou faut-il envisager un changement plus radical ?

Dans ce deuxième article, je me livre un peu au travers de cet article qui se veut une introduction, un cadre comme point de départ d’un cheminement.
Les défis s'accumulent
Pierre Teihlard de Chardin, géologue et paléontologue mais aussi théologien et philosophe (1881 – 1955) disait ceci :
«Attention, au début du 21ème siècle, l’humanité sera confrontée à une vingtaine de problèmes insolubles, inextricables et connectés les uns avec les autres».
Pour montrer la justesse de cette phrase, un petit tour de manège dans le train fantôme vous est proposé. Montez en voiture et attachez vos ceintures !

Les 9 limites planétaires
Selon Wikipedia, «les limites planétaires sont les seuils que l'humanité ne devrait pas dépasser pour ne pas compromettre les conditions favorables dans lesquelles elle a pu se développer et pour pouvoir durablement vivre dans un écosystème sûr, c’est-à-dire en évitant les modifications brutales et difficilement prévisibles de l'environnement planétaire. Ce concept a été proposé par une équipe internationale de vingt-six chercheurs et publié en 2009. Il a depuis été mis à jour par des publications régulières.»

Parmi ces 9 limites, nous retrouvons le changement climatique (notez qu’on ne parle plus de réchauffement), les nouvelles pollutions chimiques, l’appauvrissement de la couche d’ozone, les aérosols, l’acidification des océans, la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore, l’utilisation mondiale de l’eau, les modification de l’usage des sol et l’effondrement de la biodiversité. Actuellement, selon les scientifiques, nous aurions franchi des caps de non-retours pour 6 limites. Ces derniers nous disent donc que ça ne sent pas bon du tout.
Les défis dont on parle souvent
L’endettement des nations. A première vue, ce n’est pas un problème environnemental. Néanmoins, un état endetté n’a pas de capacité pour s’adapter.
Les maladies chroniques comme le diabète ou l’hypertension dont le lien avec le mode de vie et la qualité de notre alimentation est généralement admis. On constate une explosion des coûts de la santé dans bon nombre de pays.
Les défis dont on ne parle pas ou peu
L’érosion des sols. Nous perdons chaque année entre 26 et 36 milliards de tonnes de terre arable par érosion, terre qui fini dans les océans ou en CO2 dans l’atmosphère. Cela représente une diminution moyenne de la couche de terre d’environ 0,4 mm par année sur l'ensemble des terres arables.
La diminution des rendements agricoles. Selon les sources, 40 % à 60 % des terres sont fortement dégradées c’est-à-dire qu’elles ont perdu leur carbone ou qu’elles n’ont plus d’activité biologique. Elle sont le plus souvent compactées. Il en résulte une baisse des rendements agricoles. En France, les céréaliers de la Beauce ne font plus que 90 quintaux de blé à l’ha contre 110 il y a trente ans alors que les variétés actuelles ont un potentiel de 150 quintaux à l’ha (Claude Bourguignon).
L’épuisement des réserves mondiales de phosphore. Notre agriculture est largement tributaire du phosphore utilisé comme engrais. Ce dernier n’est pas une ressource renouvelable. Bien que l’épuisement ne soit pas pour demain, la dépendance vis-à-vis de quelques états questionne (Maroc, Chine).
L’épuisement des nappes phréatiques. Nous consommons quelque 1’300 km³ d’eau par année à l’échelle mondiale dont plus de 70 % pour l’irrigation des cultures. Nous captons plus de 800 km³ d’eau des aquifères qui ne se régénèrent pas du même ordre puis que l’épuisement des nappes est de l’ordre de 300 km³ d’eau par année. A titre de comparaison, l’extraction annuelle du pétrole (104 mios. de barils/jour) est de l’ordre de 6 km³. On parle bien de kilomètres cubes.
La valeur nutritive des aliments. Globalement, une baisse de la valeur nutritive des fruits et légumes est observée depuis de nombreuses années en raison principalement d’un effet de dilution et de la dégradation des sols.
L’extraction minière et ses limites. Ce point est évoqué plus bas dans le texte.
Sans forcer, nous en sommes à 17 problèmes. Terminus, tout le monde descend.
Vous allez me dire que j’utilise un ton bien léger, peut-être détaché voir agaçant, pour évoquer ces sujets ! Pour dire vrai, j’en ai beaucoup pleuré et les années 2018 et 2019 ont été très pénibles, souvent à la limite de la dépression. Ouvrir les yeux est difficile, je l’avoue mais je crois avoir, depuis, franchi la vallée des larmes.
Les problèmes sont bien là ! Teilhlard de Chardin avait raison mais, à l’époque, il n’avait pas les connaissances que nous avons aujourd’hui notamment en matière de biologie.
La technologie va-t-elle nous sauver ?
C’est ce que j’ai longtemps cru et espéré.
Au début des années 2000, convaincu alors que le réchauffement climatique était d’origine entropique, donc liée à l’activité humaine et ses émissions massives de CO2, je m’engage dans un projet dit environnemental. Avec quelques amis, nous créons, dans mon village des Ponts-de-Martel, un des premiers réseaux de chauffage à distance à bois privés du Canton. Nous bénéficions alors du programme de la Fondation Centime Climatique qui rachètent les réductions d’émissions de CO2 le bois étant considéré comme neutre sur ce plan.

Si notre réseau s’est bien développé depuis, passant de 35 bâtiments en 2007 à plus de 100 bâtiments aujourd’hui, on voit également les limites de ce mode de chauffage. En effet, le bois à disposition au niveau national correspond à la pousse annuelle de la forêt. Une partie de ce bois est transformé en bois de service (construction) et l’autre part est utilisée pour la fabrication de papier ou le chauffage.
Or, avec la multiplication des réseaux de chauffage à bois et l’avènement des pellets pour les installations individuelles, nous nous rapprochons des limites de disponibilité de cette ressource. A l’époque, j’avais estimé qu’avec les ressources disponibles en Suisse, nous pourrions répondre à environ 15 % des besoins en chauffage du pays ce qui reste très modeste en finalité. La part du fossile reste très importante et l’interdiction de ce mode de chauffage pour 2030 pourrait être un véritable casse-tête pour de nombreux propriétaires.

En 2009, toujours convaincu, je me lance, toujours avec quelques amis, dans le solaire photovoltaïque. Nous créons une société dont le but est alors de développer le secteur du photovoltaïque qui peine à décoller au vu des prix élevés des équipements. Nous réalisons plusieurs installations de grande taille dans le haut du canton pour une surface globale d’environ 10’000 m². Si financièrement, le bilan est positif, sur un point environnemental, c’est très modeste. Si on calcule les réductions d’émissions de CO2 par l’utilisation de panneaux solaires photovoltaïques, comme nous avons une production d’électricité globalement décarbonée, elles sont dérisoires.
En 2017, convaincu du concept que représente un véhicule électrique propulsé par du courant électrique d’origine photovoltaïque, j’en fait l’acquisition.
Pour résumer
Le bois a ses limites et le développement des technologies à savoir, le solaire photovoltaïque, les éoliennes et les véhicules électriques, sans parler de l’informatique, nous amène à un recours massif aux métaux. La politique européenne a signé la fin prochaine du moteur thermique pour une transition écologique à mener grâce aux technologies dites vertes. Il y a 10 ans, j’aurais certainement signé.
Vouloir faire une transition écologique est louable. Les politiques se sont-ils posés la question de savoir avec quelles ressources cette transition pouvait-elle être mise en œuvre ? Selon Aurore Stéphant, une telle transition implique de multiplier par 3 le niveau actuel de l’extraction minière mondiale dans les 15 ans à venir avec son cortège de pollutions et problèmes sociaux. Pour elle, nous devrions extraire d’ici à 2050 le même volume de minerai que ce que l’humanité a extraite depuis l’antiquité à ce jour. Actuellement, on estime un nombre de mines en activité compris dans une fourchette de 13’000 à 15’000. On comprend que ça va être très compliqué et possiblement dévastateur.
J’évoque encore un secteur clé dans les réductions des émissions de CO2 qu'est la rénovation des bâtiments. Le potentiel est énorme mais plusieurs limites sont à considérer comme le niveau élevé des investissements à consentir, le niveau modeste des aides, les défis architecturaux pour les anciens bâtiments protégés et un manque de main d’oeuvre spécialisée. Il en résulte un taux de rénovation très faible, de quelques pourcents par année. Dans votre village, lorsque vous voyez deux maisons en rénovation sur une année, c’est déjà beaucoup.
Alors, la technologie va-t-elle nous sauver ?
Une autre vision, enthousiasmante
A la question posée ci-dessus, aujourd’hui, je suis tenté de répondre que non si on considère la technologie comme unique moyen de résoudre les problèmes environnementaux. En revanche, je partage la réflexion de David Holmgren, fondateur de la permaculture, qui suggère de ne pas s'opposer à la technologie mais de l'envisager comme un instrument pour réincorporer l’humain dans la nature.
Une partie de la solution serait donc une reconnexion de l’humain à la nature ?

Cette idée me plaît même si elle paraît à contre-sens dans notre société industrielle. Il ne s’agit pas non plus de retourner au Moyen-âge. Je ne crois pas trop au «bon vieux temps» et la modernité a du bon.
Au fil des articles à venir, je vous parlerai plus en profondeur de certains des défis évoqués en première partie mais je vous parlerai surtout des solutions et des techniques qui sont là, à portée de main et de ce que nous pouvons faire. Si vous avez lu mon premier article sur la permaculture, vous avez déjà une direction.
Je souhaite également, peut-être avec maladresse ou de façon jugée trop simpliste pour certains, partager des sujets d’émerveillement comme la vie du sol (activité biologique), le maraîchage sur sol vivant, les arbres, etc. Il y a un monde à découvrir et à expérimenter. Combien de reportages montrent une nature aux équilibres fragiles et menacée par l'homme qui finit par s'excuser d'exister. Rarement, il est parlé de la vitalité et la force de régénération de la nature. Si l'humain est capable du pire, il est aussi capable d'être un formidable catalyseur pour une explosion du vivant. A nous de jouer.
Merci d'avoir lu l'entier de ce texte.