Des rendements agricoles qui stagnent ?
- Bertrand Jean-Mairet
- il y a 3 jours
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A l'orée des années 90, les rendements agricoles cessent leur incroyable croissance débutée à la fin de la 2ème guerre mondiale. En connaît-on les raisons ? Quelle implication pour nous ?

Une reconversion industrielle réussie
Au sortir de la 2ème guerre mondiale, l’Europe est au bord de la famine. Les industries de guerre, après une explosion de production d’armement et de poudre à canon, doivent se réinventer. À la fin de la 1ère Guerre mondiale, les effets positifs sur la croissance des plantes générés par les stocks de gaz de combat reconvertis en engrais sont mis en évidence.
Aussi, dès 1945, la dite "révolution verte" se met en marche. L’industrie lourde accélère la mécanisation de l’agriculture avec une croissance importante des surfaces cultivées et la généralisation du labour. L’industrie de la chimie propose des intrants et plus tard, avec l’essor des armes chimiques utilisées au Vietnam notamment, des pesticides et herbicides pour la lutte contre les ravageurs et les adventices (mauvaises herbes).
La science produit de nouvelles variétés de céréales plus productives, présentant des résistances à diverses maladies, mieux adaptées à certains modes de culture, etc.

La famine est évitée, les rendements agricoles explosent. Ce sont les 30 Glorieuses et tout va bien.
Avons-nous atteint des limites ?
Au détour des années 1990, une inflexion des courbes de croissance des rendements est observée et pas seulement en France. Sur la courbe rouge ci-dessus, pour les dernières années, il est même possible de parler de recul. Certes, les rendements restent à des niveaux élevés par rapport à 1950 mais l’évolution future de la courbe paraît incertaine.

Il paraît assez logique qu’une croissance des rendements puisse avoir une limite. Ceci s’observe dans la nature avec la taille des végétaux. C’est, par exemple, le cas des séquoias géants dont la taille est limitée par la physique de l’eau. Le système de tension exercé par les feuilles permet de monter l'eau jusqu'à une hauteur maximale de 150 mètres. Et bien, les séquoias ne dépassent pas souvent les 115 mètres et la nature ne fait pas mieux et ce, depuis des centaines d’années. Pour l’agriculture, il est donc possible de considérer qu’une limite ait été atteinte.
Y-a-t-il d’autres raisons ?
Cette stagnation des rendements questionne différents acteurs de la filière agricole. Des causes sont évoquées. Après quelques recherches, le constat est nuancé. Les fournisseurs d’engrais invoquent le réchauffement climatique. Il est plus juste de parler de fluctuations climatiques qui semblent se manifester plus fortement depuis le début des années 2000.
Les agriculteurs évoquent également les fluctuations climatiques ainsi que la baisse d’utilisation des engrais. Selon l’Union Suisse des Paysans, depuis 2016, un transfert de 60 % des cultures en classique a été réalisé vers un mode extensif c’est-à-dire, sans fongicide, insecticide et régulateur de croissance. Sur ce point, il faut en conclure que si la moyenne stagne, c’est que ces nouvelles productions extensives ont un rendement moindre.
Quelle incidence pour nous ?
En conclusion, les rendements agricoles stagnent et peut-être durablement. Or, pour un pays comme la Suisse, qui accueille des dizaines de milliers de nouvelles bouches à nourrir sur son territoire chaque année, et qui aujourd’hui, n’arrive déjà plus à produire la moitié de son alimentation malgré une agriculture performante, n’est-ce pas préoccupant ?

Le pays comptait 7 millions d’habitants au début des années 1990. Nous sommes aujourd’hui plus de 9 millions avec des projections à 10 millions de résidents d’ici 5 à 10 ans. Avec un territoire qu’il est assez difficile d’étirer et un bétonnage équivalent à un terrain de football toutes les 3 heures, nous devenons chaque jour un peu plus tributaire de nos voisins proches ou de fournisseurs lointains; tous vertueux?
Alors, si vous avez une belle pelouse autour de votre villa ou de votre locatif. Peut-être, un jour, sera-ce sagesse que de remercier la tondeuse-robot et de la troquer par quelques outils de jardin !