Les vers de terre, les rois du sol
- Bertrand Jean-Mairet
- il y a 2 jours
- 4 min de lecture
Sous nos pieds, les vers de terre transforment la matière, structurent le sol et entretiennent la fertilité. Leur rôle discret mais fondamental en fait de véritables ingénieurs du vivant.
Les Rois du sol
Avec les vers de terre, nous sommes dans le règne des animaux. En biologie, on parle de lumbricidés ou de lombrics pour être plus familier. Ce qui caractérise les vers est leur morphologie. Ils sont en effet constitués de nombreux segments séparés par des cloisons. La présence d’un clitellum permet de savoir qu’un vers de terre a atteint sa maturité sexuelle.
Les vers de terre assurent tout d’abord un rôle essentiel de recyclage des matières organiques en consommant la litière et les résidus de culture déposés à la surface du sol. Ils ingèrent les parties tendres ou en décomposition des végétaux, les digèrent et les mélangent avec la partie minérale du sol dans leur tube digestif. Pour Aristote, les vers de terre sont les intestins de la terre.
Dans un sol ayant une activité biologique normale, ce que j’appelle volontiers un sol vivant, le nombre de vers de terre en action est assez incroyable. On peut en trouver jusqu’à 40 individus au mètre carré soit quelque 400’000 individus pour un hectare qui représente un peu moins que la surface d’un terrain de football. Si l’on pesait tous les êtres vivant à la surface de la terre, les vers de terre représenteraient le 66 % de la masse animale et humaine.
Les grandes familles de vers de terre
Dans le monde, quelques 6’000 espèces de vers de terre ont été identifiées. En Suisse, ces espèces sont au nombre d’un quarantaine seulement. Elle peuvent se classer en trois grandes familles en fonction de leur comportement.
Les Épigés – habitent dans la litière de surface (composte) - de couleur plutôt rouge.
Les Endogés – creusent des galeries horizontales dans les 30 premiers centimètres du sol – de couleur rose pâle.
Les Anéciques – creusent des galeries verticales et profondes - de couleur plutôt rose-brun. Ce sont les plus grands vers de terre. Sur ce spécimen, on distingue le clitellum au centre du ver (ou de l'image).
De véritables laboureurs
Les vers de terre creusent donc de vastes réseaux de galeries qui assurent plusieurs fonctions en plus d’être un abri pour ces derniers. On peut mesure jusqu’à 400 mètres de galeries dans un m² de terrain.
1 kg de vers de terre ingèrent est préparent 300 kg de mélange par année. On estime que tous les 5 ans, l’entier du volume de terre a été travaillé de cette façon.
Au printemps ou à l’automne, un signe visible de leur activité peut s’observer. Il s’agit des turricules, petits monticules en forme de tire-bouchon, riches et fertiles, constitués des déjections des vers de terre (à gauche ci-dessous)
Dans leurs galeries, les vers de terre tapissent également les parois de leurs déjections. Ce sont de véritables buffets à volonté pour un grand nombre de micro-organismes qui vont permettre d’excréter une énorme quantité d’azote directement assimilable par les plantes. On y trouvera également de nombreux champignons qui participerons à la décomposition des végétaux, comme la paille que les vers descendent dans leurs galeries, et le stockage du carbone.
Des auxiliaires remarquables
Le sol ainsi travaillé par les vers de terre, avec son réseau de galeries, est capable d’absorber de très grandes quantités d’eau même en cas d’orage violent. Ceci va limiter le ruissellement et le lessivage des sols et donc les risques d’inondation et la perte de précieux nutriments.
De plus, les galeries verticales créées par les anéciques sont comme des autoroutes pour les racines des plantes favorisant ainsi leur croissance.
Enfin, les vers de terre, en produisant des colles (mucus), permettent à la terre de se
structurer en petits agrégats qui vont permettre de stocker beaucoup d’eau et d’air. Certaines bactéries produisent également des colles ou biofilm. Ces colles vont également contribuer à structurer le sol. Un sol en bonne santé et bien structuré devrait être constitué de 25 % d’eau, 25 % d’air et 50 % pour le complexe organo-minéral.
Ce type de sol vivant va stocker plus d’eau qu’un sol inerte et compacté et ainsi contribuer à mieux lutter contre les grandes chaleurs. Cerise sur le gâteau, cette eau stockée ira également alimenter les nappes phréatiques limitant voir réduisant leur épuisement.
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Les vers de terre sont des extraordinaires travailleurs qui oeuvrent sans relâche pour le Vivant et donc, pour nous indirectement. Nous avons tout intérêt à en prendre soin et à favoriser leur développement. Sans eux, toute la chaîne des organismes et micro-organismes peine à se développer limitant du même coup le cycle d’auto-fertilisation des sols.
Je vous invite à vous déplacer dans un jardin où l’activité biologique est importante et de nuit car bon nombre d’habitants du sol sont actifs. Regarder les vers de terre est vraiment marrant. En effet, les anéciques, ces grands vers de terre, sortent de leur galerie pour prélever des végétaux. Sous la lumière de la frontale, ils reculent dans leur galerie à la vitesse d’un spaghetti aspiré par la bouche comme les enfants s'amusent à le faire. C’est étonnant de voir à quelle vitesse ils sont capables de se mouvoir. De plus, on ne peut pas les rater car avec le mucus, ils brillent sous la lumière.
Vous n’avez pas de vers de terre dans votre potager, votre prairie ? Ce n’est pas une fatalité. L’homme peut être un fantastique catalyseur pour le développement de la vie du sol et de ses habitants. Pour cela, un geste simple, parmi d’autres, consiste à nourrir ce sol et ses habitants avec de la matière organique.
Prochain épisode - les arthropodes
